Tiphaine Paucot-Landelle
TÉMOIGNAGE – Patricia et Fadwa ont toutes deux été diagnostiquées de la maladie de Parkinson à 35 ans, un âge auquel il est rare d’être atteint par cette neurodégénérescence. À l’occasion de la journée mondiale contre Parkinson ce jeudi 11 avril, elles nous racontent comment elles concilient vie active, vie de famille et maladie.
« Pour moi, Michael J. Fox et Mohamed Ali étaient les exceptions qui confirmaient la règle. Ça ne touchait que les seniors. »
Diagnostiquée à 35 ans de la maladie de Parkinson, en 2011, Patricia a vécu cette annonce comme un choc. Victime de tremblements de la main droite, cette ceinture marron en judo avait tout d’abord ignoré ce symptôme, pensant qu’il ne s’agissait que des suites d’une blessure. Mais la persistance de ces tremblements, accompagnée de douleurs, d’une baisse de tonus et d’une jambe traînant légèrement ne laisseront finalement planer aucun doute sur l’apparition de la maladie neurodégénérative. « C’est un peu le monde qui s’écroule », nous dit cette mère de deux enfants. « Je suis sortie de la consultation et me suis obligée à tenir deux heures, le temps que les enfants soient dans leurs chambres, avant de m’effondrer. »
Cette sensation, Fadwa l’a aussi ressentie en 2015, lorsqu’elle a été diagnostiquée de la maladie au même âge que Patricia. Plongée tout d’abord dans le déni, celle dont la main avait commencé à trembler espère que les examens complémentaires prescrits par sa neurologue ne confirmeront pas la thèse de Parkinson. Malgré ses espoirs, le diagnostic ne bouge pas d’un iota. « J’ai accusé le coup, j’ai beaucoup pleuré et j’ai directement été voir mon généraliste. Il m’a expliqué pendant une bonne heure ce que c’était que cette maladie. Parce que je connaissais de nom, mais pas beaucoup plus. » Malgré tout, elle persiste dans le déni. Et pousse la porte d’un autre neurologue. Bingo, elle n’est, selon lui, pas atteinte de Parkinson. Elle arrête son traitement. « J’étais bien, jusqu’au jour où toute la dopamine que j’avais pu conserver dans mon corps est partie. Là, c’était la descente aux enfers », se souvient-elle. Depuis stabilisée, Fadwa nous assure avoir désormais accepté sa maladie.
Quand la maladie s’invite dans la vie active
L’accepter est une chose, mais l’annoncer à son entourage, à son travail, en est une autre. Si Fadwa, responsable des ressources humaines dans une société francilienne, fait assez vite part de la nouvelle à son employeur, Patricia temporise. « Je l’ai fait quand ça commençait à se voir et qu’il devenait plus compliqué de faire certaines choses. Certains n’avaient rien vu, d’autres m’ont avoué avoir supposé que j’avais fait un AVC ou développé une sclérose en plaques ». Car aujourd’hui, et depuis un article que nous lui avions déjà consacré il y a deux ans, les tremblements se sont davantage étendus. « Mais pour moi, le tremblement n’est vraiment pas ce qui est le plus gênant dans la maladie. Les troubles de l’équilibre, de l’humeur, la fatigue, les douleurs, et les problèmes d’hypersalivation dont je souffre sont beaucoup plus embêtants. Le tremblement, c’est presque un problème esthétique. »
Face à cela et en fonction de l’évolution de la maladie, elle adapte petit à petit, en accord avec son employeur, ses journées de travail. Sa pause déjeuner est par exemple désormais allongée de sorte qu’elle ait le temps de se reposer à l’infirmerie, et son temps de travail réduit pour passer à 80 %, en plus d’un congé longue durée fractionné. « Il y a de la fatigue, des douleurs… J’ai l’impression d’avoir des bracelets lestés accrochés au côté droit de mon corps. Chaque geste me coûte. Et puis le côté gauche commence à être atteint aussi. »
« Quand ma hiérarchie a compris que je ne reprendrai pas à plein temps, elle m’a fait comprendre que je ne pouvais pas conserver mon poste. »
Fadwa, parkinsonienne de 38 ans
La situation n’est pas aussi évidente du côté de Fadwa. Si sa maladie semble bien acceptée par son employeur au départ, la situation s’envenime lorsqu’elle est contrainte par la médecine du travail à passer à un rythme de 70 %. « Quand ma hiérarchie a compris que je ne reprendrai pas à plein temps, elle m’a fait comprendre que je ne pouvais pas conserver mon poste. » La jeune femme se voit alors soumettre un emploi au service paye, qui ne la tente pas du tout. « J’ai dit non au départ, mais j’ai vite compris que c’était ça ou rien. Alors j’ai fini par accepter en espérant que le poste serait moins stressant que le précédent, ce qui est tout sauf ça ». Car par un concours de circonstances, elle n’a pas pu être formée correctement au métier. « Et le stress joue beaucoup sur la maladie », souligne-t-elle, inquiète.
Une maladie que l’on ne peut pas oublier
Alors que les pénuries de traitements pour la maladie de Parkinson ont beaucoup fait parler d’elles ces derniers temps, ni Fadwa ni Patricia ne sont par chance concernées par ce problème. Grâce à leur grande prudence ? « Dès que je peux aller en chercher, j’en récupère. Je n’attends pas la dernière minute pour être sûre de ne pas manquer », nous explique Fadwa.
Pour l’instant, celle dont la maladie passe encore inaperçue dispose d’un traitement relativement léger. Patricia, de son côté, voit le dosage de ses médicaments augmenter progressivement. Elle doit désormais prendre de la dopamine (un neurotransmetteur indispensable au contrôle des mouvements du corps et à la motivation) toutes les 3h30. La maladie neurodégénérative entraîne en effet la disparition progressive des neurones dopaminergiques, dont le rôle est de fabriquer et de libérer la dopamine.
Comme un vieux walkman qui n’aurait plus de piles.
Patricia, parkinsonienne de 44 ans
« Si je ne prends pas ces médicaments à temps, j’ai l’impression de m’éteindre comme un vieux walkman qui n’aurait plus de piles. » Mais, traitement pris à temps ou non, la maladie provoque chez Patricia, au fil des ans, une fatigue de plus en plus grande. Prévoir une activité l’après-midi lui est désormais compliqué. « L’an dernier je faisais encore du tai-chi. Cette année, j’ai renoncé. Si je suis invitée à une soirée, il faut que je prévoie de faire une sieste avant. Je ne m’interdis pas de sortir mais je dois désormais anticiper. » Cette cadence soutenue de médication, inscrite dans les alarmes de son téléphone et de sa montre, rythme désormais sa vie, mais aussi celle de sa famille. « Je ne peux pas oublier ma maladie une journée. Et ma famille, qui subit toutes les 3h30 ce rappel, ne le peut pas non plus. »
L’angoisse du lendemain
Aujourd’hui, les deux parkinsoniennes tentent de profiter de chaque instant au maximum, ne sachant pas de quoi demain sera fait. Car la maladie neurodégénérative évolue différemment selon chaque personne, ce qui empêche même les médecins de pouvoir donner un pronostic précis. Son avenir, Patricia ne préfère pas y penser. « Si, déjà, je vois les trois prochaines années, c’est bien. Je ne cherche pas à savoir. Je sais que ça progresse, je le vois dans mon corps. J’en suis au carpe diem« .
Fadwa, elle, se fait du souci. D’une part pour ses deux enfants, âgés de 12 et 16 ans, dont elle espère pouvoir s’occuper le plus longtemps possible, mais aussi pour sa vie de femme divorcée. « Je me dis que ça va être difficile de trouver quelqu’un qui m’accepte avec ma maladie. Car même si aujourd’hui ça ne se voit pas, j’ai peur d’être attaquée plus rapidement un jour ou l’autre. Aujourd’hui je vais bien, demain je serai peut-être en fauteuil roulant ».
Il y a des choses pour lesquelles on se dit que l’on ferait mieux de les faire maintenant, avant qu’il ne soit trop tard.
Patricia, parkinsonienne de 44 ans
Face à ces angoisses, Patricia et Fadwa se jettent à corps perdu dans la vie. « Mon mari et moi avons des amis qui vivent en Australie. On est allés les voir il y a peu. Il y a des choses pour lesquelles on se dit que l’on ferait mieux de les faire maintenant, avant qu’il ne soit trop tard », nous affirme Patricia. Fadwa, elle, se consacre au sport. En plus de ses trois séances de kiné par semaine, elle fait de l’aquabike, marche et fait des abdos dans l’eau. Elle s’est également récemment offert un saut en parachute. « Je pense que c’est ça qui fait qu’aujourd’hui, j’ai peut-être assez peu de symptômes. Le sport, c’est mon médicament. »
Le besoin d’être comprises et écoutées
Pour trouver cette force, se soutenir, toutes deux se rendent régulièrement au « Café jeune Parkinson », à Versailles. Une réunion organisée, comme celles qui ont régulièrement lieu un peu partout en France, en partenariat avec l’association France Parkinson et qui permet aux plus jeunes malades de se retrouver. Un moment important pour échanger autour des problématiques de la vie active, bien différentes de celles de leurs aînés concernés par la maladie.